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Bibliothèque Dans le fleuve immense, tous les poissons dansent...

Dans le fleuve immense, tous les poissons dansent...

24 janvier 2025
Dans le fleuve immense, tous les poissons dansent...

... et passent sous les autos !

Les travaux d’aménagement de la voie migratoire visant à connecter les portions amont et aval du grand marais se sont terminés en décembre 2024. La réfection permanente de la chaussée et la plantation d’arbres et d’arbustes seront complétés dans quelques mois. La fin des travaux marque le début d’une nouvelle ère pour les îles de la Commune, aux Castors et du Mitan. Pour la première fois depuis 1982, les frayères du territoire seront de nouveau pleinement accessibles via la voie naturelle (et celle privilégiée par les poissons), et ce, dès la fonte des neiges ce printemps.

Avant 1939, le déplacement entre les îles habitées se faisait par ce que le géographe Rodolphe de Koninck a désigné comme étant l’axe rural1, soit l’axe formé par la rue de l’Église à La Visitation-de-l’Île-Dupas et le rang Saint-Luc à Saint-Ignace-de-Loyola. L’église de Saint-Ignace se trouvait d’ailleurs près du rang Saint-Luc avant qu’elle ne soit détruite par les flammes en 1960. À l’époque, la traversée des chenaux se faisait avec des chalands à la broche en été et par l’entremise de ponts de glace en hiver. L’axe rural, tracé optimal choisi en fonction de sa topographie, permettait de minimiser le nombre de traversées pour passer de la terre ferme (Berthierville) à l’île Saint-Ignace. En effet, ce tracé ne croise que trois chenaux (du Nord, aux Castors et petit chenal de l’île Dupas) et aucun bras de marais secondaire.

En 1939, pour faciliter le déplacement des travailleurs entre Berthierville et Sorel, un nouveau lien routier (route 158 actuelle) est construit à environ un kilomètre au sud-ouest de l’axe rural et parallèle à ce dernier. Comme l’objectif est de relier les deux villes de la manière la plus directe possible et que ce genre de travaux était dorénavant mécanisé, le tracé est aménagé sans apparente préoccupation pour les milieux sensibles qu’il traverse. Ainsi, en plus des trois chenaux susmentionnés au-dessus desquels sont construits des ponts, le tracé moderne enjambe également au moins trois petits cours d’eau (de Biais et deux embranchements du ruisseau de la Savane) et scinde trois bras de marais (marais de la Presqu’île, marais de l’île aux Castors et le grand marais). L’axe routier moderne traverse donc trois fois plus d’obstacles humides et hydriques (neuf) que l’axe rural traditionnel établi à l’origine par des habitants qui n’avaient d’autre choix que vivre en étroite relation avec le territoire et son hydrologie.

Des travaux de comblement ont donc été nécessaires pour aménager l’axe routier moderne. Les plus importants ont été réalisés dans le marais d’une largeur d’environ 240 m qui sépare l’île de la Commune et l’île aux Castors, appelé à juste titre « grand marais ». Lors de la crue printanière, les poissons accèdent au grand marais à partir de son embouchure dans le chenal du Nord, à 500 m nord-est de la route 158. Au sud de la route 158, le grand marais se divise en plusieurs ramifications qui offrent des dizaines d’hectares d’habitat de frayère de qualité sur les îles de la Commune, aux Castors et du Mitan. Le comblement du marais pour le passage de la route 158 en 1939 vient irrémédiablement perturber cet accès. Toutefois, à l’époque, un ponceau d’assez grande envergure avait été aménagé au centre du remblai afin de favoriser la libre circulation des poissons.

Un remblai de près de 250 m de long aménagé en 1938-1939 scinde le grand marais en deux. À gauche, la partie amont, quasi inaccessible aux poissons, et à droite, la partie aval, qui s'écoule dans le chenal du Nord au nord-est. Photo : Philippe Brodeur (2006).

Lors de la crue printanière, plusieurs espèces de poissons quittent le fleuve et se rendent dans les milieux humides de l'archipel pour se reproduire et s'alimenter. La route 158 coupe l'accès à des milliers de poissons qui tentent d'atteindre les habitats de reproduction de qualité des îles de la Commune, aux Castors et du Mitan à partir du chenal du Nord chaque printemps (flèche bleue). Photo : Philippe Brodeur (2006).
Un revirement survient en 1982 lors de travaux de réfection du remblai. Le ponceau est retiré et remplacé par un ponceau plus petit (90 cm de diamètre), surélevé par rapport au marais, et placé en marge de l’axe naturel d’écoulement de l’eau entre les deux portions du marais (le ponceau se trouve en bordure du marais, juste derrière l’enseigne à l’entrée du stationnement de la SCIRBI). Des études réalisées par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune ne tardent pas à démontrer que le type de ponceau choisi et son emplacement sont défavorables à l’ichtyofaune : en effet, seul 1% des poissons marqués en aval du remblai de la route 158 sont recapturés en amont!

Pour pallier ce problème, un chenal étroit d’une longueur de 250 m a été excavé entre le chenal du Nord et la portion amont du grand marais, au sud-ouest de la route 158. En 2009, une passe migratoire a été aménagée dans ce chenal afin de faciliter l’accès des poissons au grand marais, et ce, même lorsque les conditions hydrologiques sont défavorables. Bien que ces mesures aient permis d’améliorer la fréquentation du marais par les poissons, la voie d’accès naturelle demeure et sera toujours la voie préférentielle pour ceux-ci.

Les biologistes du gouvernement du Québec clament haut et fort depuis plus de trente ans qu’une voie migratoire est nécessaire à cet endroit pour rétablir la libre circulation du poisson et donc l’accès à des dizaines d’hectares de frayères. En 2024, leur rêve devient enfin réalité, alors que Canards Illimités Canada (CIC) obtient un financement de plus de 2,5 millions de dollars de la Fondation de la faune du Québec (FFQ) pour procéder à la construction d’un ponceau muni d’une voie migratoire au centre du grand marais. Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs est désigné comme maître d’œuvre du projet auquel CIC, la MRC de D’Autray et la SCIRBI collaborent.

Les travaux se sont déroulés d’octobre à décembre 2024. Il s’agissait de travaux d’envergure qui ont nécessité la construction de voies de déviation avec circulation en alternance, alors même que les liens alternatifs entre la rive nord et la rive sud du fleuve, le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine et le pont Laviolette, faisaient l’objet de travaux de réfection majeurs. L’attente supplémentaire occasionnée par les travaux, en particulier en fin de journée, a parfois provoqué l’ire des automobilistes, qui comprennent peut-être un peu mieux comment se sentent les poissons qui attendent le rétablissement d’un accès vers leur territoire ancestral depuis plus de 40 ans (note : la longévité de plusieurs espèces de poissons est de moins de 40 ans; la remarque vise davantage à relativiser l’attente des automobilistes… sans toutefois chercher à minimiser les impacts négatifs réels que cette attente aurait pu avoir sur leur vie).

Vue aérienne du chantier, incluant une voie de déviation en fonction. Au haut de la photo, le confluent du grand marais et du chenal du Nord, point d'entrée à partir duquel les poissons investissent (ou tentent d'investir) le grand marais et ses ramifications chaque printemps. Photo : Charles-Étienne Gagnon, MELCCFP (novembre 2024).

D’un diamètre de 2,74 m et d’une longueur de 32 m, le ponceau est divisé en sections qui comprennent des aires de montée progressives et des bassins de repos pour permettre la montaison d’espèces qui fraient en eaux calmes, comme le grand brochet, la barbotte brune, le crapet-soleil et, bien entendu, la perchaude. Rappelons que la population de perchaude du lac Saint-Pierre a connu un déclin spectaculaire depuis les années 1980. Qualifiée par certains d’effondrement, la diminution de ses effectifs est redevable à la destruction des habitats où elle fraie (par l’agriculture et l’urbanisation) ainsi qu’à la perte de connectivité entre le fleuve Saint-Laurent et lesdits habitats (par l’expansion du réseau routier). La SCIRBI a récemment cessé les activités agricoles dans le littoral des îles aux Castors et du Mitan afin de restaurer les habitats de frayère; l’installation du ponceau s’attaque maintenant à la deuxième cause principale du déclin de la perchaude, soit la perte de connectivité entre le fleuve et les habitats de frayère. Les frayères du territoire sont prêtes, ne sont attendus que les poissons!

Un printemps sur deux en moyenne, le niveau de l'eau atteint la ligne bleue sur l'île aux Castors (limite du littoral, 6,79 m) lors de la crue. Lorsque cela se produit, les poissons utilisent les habitats inondés pour frayer. Jusqu'en 2020, les champs inclus à l'intérieur de cette ligne étaient occupés par des cultures de maïs et de soya. Les cultures ont été remplacées par des prairies humides permanentes qui constituent d'excellents habitats de frayère pour le poisson. Photo : Mélanie Jean Photographe (2024).

Biologistes / techniciens inspectant la structure. Photo : Alexandre Nicole (novembre 2024).

Photo de l'intérieur de la structure montrant les seuils et les bassins successifs. Le dénivelé entre deux seuils est de 7,5 cm. Photo : Alexandre Nicole (novembre 2024).

La voie migratoire agira aussi à titre de digue dont le rôle sera de maintenir un niveau d’eau optimal pour la faune et la flore qui fréquentent le grand marais. Un niveau d’eau régularisé atténue les effets négatifs d’une décrue hâtive sur les poissons, en particulier les alevins, tout en créant un habitat de qualité pour les oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles palustres.

Le ministère des Transports et de la Mobilité durable sera responsable de l’entretien à long terme de la structure. Des suivis fauniques seront également réalisés par le MELCCFP dès ce printemps pour vérifier son efficacité. Nous avons tous très hâte de voir le ponceau à l’œuvre, alors qu’il sera utilisé comme voie privilégiée pour les 39 espèces de poissons qui se reproduisent ou s’alimentent dans les milieux humides des îles de la Commune, aux Castors et du Mitan!

1 Soltész, J. A. & De Koninck, R. (1973). Les transports aux Cent-îles du lac Saint-Pierre : l’équilibre ou l’éclatement d’un pays. Cahiers de géographie du Québec, 17(42), 449–464. https://doi.org/10.7202/021147ar
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