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Bibliothèque Réensauvagement du littoral des îles aux Castors et du Mitan

Réensauvagement du littoral des îles aux Castors et du Mitan

30 novembre 2022
Réensauvagement du littoral des îles aux Castors et du Mitan

C'est le 30 novembre 2022 que se sont officiellement terminés les travaux de réensauvagement (ou renaturalisation) du littoral des îles aux Castors et du Mitan qui avaient commencés le 22 mai 2018 par la délimitation et le retrait de bandes de terres cultivées très près des milieux humides et recouvertes d’eau chaque printemps. Depuis son lancement, le projet, dont les activités se sont échelonnées sur cinq saisons de terrain, aura permis l'ajout de 144 ha de prairies naturelles et agricoles, 20 ha de marécages arborescents et 10 ha de marécages arbustifs sur les îles aux Castors et du Mitan.

Mise en contexte

Entre 1986 et 2003, la population de perchaude du lac Saint-Pierre est passée de 4,4 à 0,6 million de femelles reproductrices, un effondrement qui a mené en 2012 à l’adoption d’un moratoire complet sur la pêche de cette espèce et, face à l’absence de changements dans l’état des stocks, à sa reconduction en 2017. Les causes de ce déclin sont complexes; bien que la surpêche ait joué un certain rôle, les changements apportés à l’habitat de reproduction de la perchaude depuis les années 1950 constituent un facteur prépondérant ( de la Chenelière et coll. 2014).

Chaque printemps, lors de la crue, la perchaude et quarante autres espèces de poissons se déplacent vers le littoral du lac Saint-Pierre à la recherche de sites de ponte adéquats. L’eau peu profonde recouvrant les prairies humides et les marécages arbustifs du littoral absorbe facilement les rayons du soleil et se réchauffe rapidement. Dans ce milieu idéal, la perchaude pond une masse d’œufs sur un substrat végétal dense, dans les prairies de graminées, ou enroulée à des branches d’arbustes submergés. Elle évite systématiquement les zones où les plantes sont absentes ou peu abondantes. 

L’apport annuel de sédiments dans la plaine alluviale du lac Saint-Pierre a favorisé le développement de sols fertiles qui sont exploités pour l’agriculture depuis plusieurs siècles. Or, depuis l’après-guerre, les pratiques agricoles se sont intensifiées dans la région, une tendance observée partout à travers le monde. L’agriculture de subsistance et extensive pratiquée dans le littoral a été remplacée par les grandes cultures. Aujourd’hui, plus de 5 000 ha de terres agricoles exploitées dans le littoral du lac Saint-Pierre sont dominés par la culture du maïs et du soya, et ce, même si ces activités contreviennent à plusieurs lois et règlements. En plus de nécessiter de grandes quantités d’intrants (pesticides, fertilisants), dont une partie est emmenée au lac lors du retrait des crues, ces cultures provoquent la mise à nu du sol à l’automne, ce qui rend le milieu improductif et inadéquat pour la fraie du poisson.

Les îles aux Castors et du Mitan ne font qu'un avec le fleuve Saint-Laurent lors de la crue de 2017 - Comité ZIP du lac Saint-Pierre

Autour du lac Saint-Pierre, les acteurs s’organisent. En février 2014, la Table de concertation régionale du lac Saint-Pierre nait du regroupement de 70 organismes membres provenant de tous les milieux concernés par le développement durable du lac Saint-Pierre. Trois ans plus tard, en 2017, les membres demandent des actions concrètes pour le rétablissement de la perchaude, notamment la renaturalisation des 797 ha de terres agricoles sur des sites voués à la conservation, dont les îles aux Castors et du Mitan font partie, et l’adoption de pratiques agricoles durables dans l’ensemble du littoral ( TCRLSP 2017). 

En 2018, le gouvernement du Québec octroie une enveloppe de 9,5 M$ à la Fondation de la faune du Québec pour la création d’un programme d’aide financière dont le but est de soutenir les initiatives de restauration des habitats fauniques, dont un pôle d’expertise multidisciplinaire en gestion durable du littoral du lac Saint-Pierre. Il n’en fallait pas plus pour que la SCIRBI décide de mettre en œuvre, sur son territoire, des mesures concrètes pour favoriser le rétablissement de la population de perchaude du lac Saint-Pierre. 

Le projet de Réensauvagement du littoral des îles aux Castors et du Mitan était né. Avec, sur ces îles, 102 ha de terres agricoles situées dans le littoral, le potentiel de gains pour la faune est substantiel. Le projet consiste donc à restaurer les habitats du littoral afin qu’ils puissent à nouveau prodiguer leurs services écologiques. Certaines portions du littoral sont déjà occupées par des milieux naturels productifs; les zones à restaurer sont celles où étaient pratiquées des cultures annuelles (maïs, soya) depuis plusieurs décennies. 

Profil pré-restauration de l'étagement des milieux humides (hydrosère) et de l'occupation des sols sur les îles aux Castors et du Mitan en fonction de la topographie et de l'hydrologie. Les élévation indiquent le niveau d'eau typiquement atteint annuellement (5,87 m) et aux deux ans (6,79 m) lors de la crue printanière. Les zones renaturalisées sont surlignées en bleu et en jaune et totalisent 174 ha de terres agricoles reconverties en milieux naturels - Alexandre Nicole

Au terme de ce projet, 102 ha de terres agricoles, dont 33 se situent à l’île aux Castors et 69 à l’île du Mitan, ont été renaturalisés. Une superficie agricole additionnelle de 72 ha située à l’extérieur du littoral a été convertie en cultures pérennes gérées pour la faune.

Voici les faits saillants des travaux. Pour une description détaillée des aménagements et des espèces fauniques auxquelles ils sont destinés, consulter le rapport disponible au bas de la page.

2018

Au printemps, la SCIRBI cesse les activités agricoles dans les zones inondées chaque printemps (< 5,87 m). Les zones sont délimitées à l'aide de piquets et sont colonisées par la végétation herbacée locale. 

Délimitation des zones sous la cote de un an (< 5,87 m) - Alexandre Nicole

Le 9 décembre, deux ponceaux agricoles vétustes qui entravaient la libre circulation du poisson entre le fleuve Saint-Laurent et les milieux humides de l’île aux Castors sont retirés. À défaut de pouvoir ensemencer des plantes herbacées à cette date, les zones excavées sont recouvertes d'une membrane en fibre de noix de coco pour prévenir l'érosion. 

2019

À l'été 2019, une parcelle de 7 ha est ensemencée avec le mélange MICA, un mélange de semences de plantes herbacées composées en grande partie d'espèces indigènes. Au cours de la fin de l'été et de l'automne, 9 550 saules de l'intérieur (Salix interior) sont plantés en bordure des dépressions humides pour agrandir des marécages arbustifs existants ou en créer de nouveaux sur une superficie totalisant 10 ha. Mentionnons la plantation de 935 saules par 13 bénévoles du Comité environnement de l’île Dupas (CEID) le 20 octobre et la plantation de 1 508 saules par 24 bénévoles de Québec Solidaire – Joliette le 2 novembre.

Patrice Lafontaine, employé de la SCIRBI, qui a mis en terre la plupart des saules - Alexandre Nicole

Bénévoles du Comité environnement de l'île Dupas (CEID) au travail - Alexandre Nicole

2020

Les travaux d'aménagement des marécages arborescents commencent en mai 2020 alors que des chênes à gros fruits (Quercus macrocarpa), des caryers cordiformes (Carya cordiformis) et des érables rouges (Acer rubrum) sont plantés sur l'île du Mitan. 65 ha additionnels sont ensemencés à l'aide du mélange Prairies humides, un mélange de semences qui comporte une moins grande proportion d'espèces indigènes que le mélange MICA mais qui a l'avantage de se détailler trois fois moins cher. Le mélange Prairies humides peut également être récolté lors des fauches d'entretien des prairies qui seront effectuées périodiquement dans le but limiter leur lignification. 

Prairie humide en 2021, soit un an après son implantation - Alexandre Nicole

À l'automne, les travaux d'aménagement des marécages arborescents se poursuivent. Au total, 13 898 arbres sont mis en terre en 2020 par les employés de la SCIRBI et une vingtaine de bénévoles. En plus des espèces susmentionnées, le bouleau jaune (Betula alleghaniensis), le caryer ovale (Carya ovata), le cerisier tardif (Prunus serotina), le charme de Caroline (Carpinus caroliniana), le cornouiller à feuilles alternes (Cornus alternifolia), le noyer cendré (Juglans cinerea) et le tilleul d'Amérique (Tilia americana) ont été plantés dans la rive. Le chêne bicolore (Quercus bicolor), l'érable rouge (Acer rubrum), le micocoulier occidental (Celtis occidentalis) et le céphalanthe occidental (Cephalanthus occidentalis), des essences ayant toutes un certain degré de tolérance aux sols saturés en eau durant la saison de croissance, ont été plantées dans le littoral. 

Futur marécage arborescent. Drapeaux bleus : arbres plantés dans le littoral; drapeaux orange : arbres plantés dans la rive - Alexi Hobbs

La fin de semaine du 25 octobre, la dernière récolte de maïs-grain de l'histoire des îles aux Castors et du Mitan est complétée. Des cultures pérennes seront implantées sur les superficies occupées par les grandes cultures dès l'année suivante. 

2021

Les travaux de plantation se poursuivent dans les marécages arborescents. Il est nécessaire de densifier la plantation pour pallier les pertes éventuelles. 5 690 arbres sont donc plantés en 2021, au printemps et à l'automne. Les parcelles agricoles situées à l'extérieur du littoral (72 ha) sont ensemencées avec différents mélanges fourragers. Plus de 11 150 kg de semences de plantes herbacées ont été nécessaire à l'aménagement des prairies humides naturelles et des prairies agricoles qui totalisent une superficie de 144 ha. Un suivi des aménagements en juin permet de confirmer la présence du goglu des prés dans les prairies humides implantées en 2020.

Goglu des prés observé dans les prairies humides un an après leur implantation - Alexandre Nicole

2022

Encore des arbres : 1 740 tiges sont mises en terre en 2022. Au total, l'aménagement des marécages arborescents aura requis la plantation de 21 328 arbres et arbustes (voir Tableau 1 au bas de la page). Un suivi des aménagements en juin 2022 permet de confirmer la nidification du goglu des prés et de la sarcelle à ailes bleues dans les prairies agricoles un an seulement après leur implantation. 

Nid de goglu des prés - Alexandre Nicole

Depuis les premiers balbutiements du projet de réensauvagement du littoral des îles aux Castors et du Mitan en 2018, le territoire a connu une véritable métamorphose. Si le bien-fondé de ces aménagements pour la faune est indéniable, nous avons jusqu’à maintenant omis de discuter d’une espèce : Homo sapiens. Dans un contexte où l’empreinte de l’humain est toujours plus importante, en particulier dans le sud du Québec (étalement urbain, agriculture, industries, etc.), c’est plutôt la tendance inverse qui s’est opérée sur le territoire de la SCIRBI au cours des dernières années : le pourcentage des milieux naturels est passé de 34 à 73% de la superficie des îles aux Castors et du Mitan (100 %, si on inclut les cultures pérennes). Il est plus que jamais démontré que la présence de milieux naturels où pratiquer des activités sportives, de plein air et d’observation de la faune, et ce, à proximité de nos milieux de vie, est essentielle à notre santé physique et mentale ( Bergeron 2020). La SCIRBI est donc fière d’offrir à la population un milieu naturel restauré, foisonnant de biodiversité, où les citoyens et citoyennes pourront prendre soin d’eux physiquement et mentalement au cœur de grands espaces sauvages typiques de l’archipel du lac Saint-Pierre.

Tableau 1. Essences d’arbres et d’arbustes plantées entre 2020 et 2022 lors de l’aménagement des marécages arborescents

Essences plantées dans le littoral
Nom français Nom latin Tolérance* Nombre planté
Céphalanthe occidental

Cephalanthus occidentalis

Tolérant 450
Chêne bicolore

Quercus bicolor

Intermédiaire 4 909 
Érable rouge

Acer rubrum

Tolérant 1 725
Micocoulier occidental Celtis occidentalis Tolérant 5 446
Total 12 530
* Tolérance aux sols saturés en eau durant la saison de croissance selon l’Université du Tennessee (2005). 
Tolérant : tolère un sol saturé en eau de 30 à 120 jours; Intermédiaire : tolère un sol saturé en eau jusqu’à 30 jours; Intolérant : ne tolère un sol saturé en eau que quelques jours. Source pour le Céphalanthe occidental : Cogliastro et coll. (2022).
Essences plantées dans la rive
Nom français Nom latin Tolérance* Nombre planté
Bouleau jaune

Betula alleghaniensis

Intermédiaire 1 300
Caryer cordiforme

Carya cordiformis

Intolérant 848 
Caryer ovale

Carya ovata

Intolérant 1 250
Cerisier tardif Prunus serotina Intolérant 650
Charme de Caroline

Carpinus caroliniana

Intermédiaire 25
Chêne à gros fruits Quercus macrocarpa Intermédiaire 3 550
Cornouiller à feuilles alternes Cornus alternifolia Intolérant
25
Érable rouge Acer rubrum Tolérant 600
Noyer cendré Juglans cinerea Intolérant 500
Tilleul d'Amérique Tilia americana Intolérant 50
Total 8 798
* Tolérance aux sols saturés en eau durant la saison de croissance selon l’Université du Tennessee (2005). 
Tolérant : tolère un sol saturé en eau de 30 à 120 jours; Intermédiaire : tolère un sol saturé en eau jusqu’à 30 jours; Intolérant : ne tolère un sol saturé en eau que quelques jours. Source pour le Caryer cordiforme et le Cornouiller à feuilles alternes : Cogliastro et coll. (2022).

La Fondation de la Faune du Québec, Environnement et Changement climatique Canada, le Gouvernement du Québec et la MRC de D’Autray ont contribué au financement de ce projet dont l'enveloppe globale était de 575 000 $.

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